
Le 4 avril, Abdullah Öcalan fêtera son 74e anniversaire : son 25e anniversaire en prison et son 3e dans des conditions d’isolement total. Il n’a eu aucun contact connu avec le monde extérieur depuis un bref appel téléphonique écourté avec son frère le 25 Mars 2021.
Il n’y aura pas de célébrations pour Öcalan lui-même, mais, malgré toutes les tentatives du gouvernement turc pour le bannir, sa présence dans la conscience kurde est plus forte que jamais. Et pas seulement dans la conscience kurde. Les idées d’Öcalan sur le vivre ensemble et l’idée d’une société solidaire, et l’incarnation de ces idées dans le Mouvement pour la liberté du peuple kurde, ont inspiré et apporté de l’espoir à des personnes du monde entier.
Malgré cela – ou peut-être, plus exactement, à cause de cela et de la menace que ses idées font peser sur ceux qui bénéficient du système social existant, qui menace le monde entier – lorsqu’il s’agit d’Öcalan, les organisations internationales qui sont censées superviser le droit international en matière de droits de l’homme ne font guère plus que suivre le mouvement.
Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas suivis d’effet et les affaires traînent pendant de nombreuses années. Les recommandations du Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe sont régulièrement ignorées, sans que le gouvernement turc n’en subisse les conséquences. Le CPT refuse de confirmer si sa délégation a rencontré Öcalan en septembre dernier ou de donner des informations sur son état de santé.
En Juillet dernier, les avocats d’Öcalan ont déposé une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies demandant une injonction contre l’isolement imposé à Öcalan et aux trois autres prisonniers d’Imrali, contraire à toutes les lois internationales en matière de droits de l’homme. La procédure est toujours en cours, mais en Septembre, les Nations unies ont clairement indiqué que l’isolement constituait une forme de torture et qu’il devait cesser immédiatement, les prisonniers étant autorisés à rencontrer leurs avocats. En l’absence de réponse de la Turquie, les Nations unies ont réitéré leur décision le 19 Janvier, en donnant au gouvernement turc jusqu’à la fin du mois de Mars pour réagir. Nous attendons toujours des nouvelles.
En Turquie même, les gouvernements successifs ont créé un tel climat de haine autour d’Öcalan qu’en dehors du Parti démocratique des peuples (HDP), parti de gauche pro-kurde, les hommes politiques n’osent pas lui témoigner de la sympathie, même sur les principes fondamentaux des droits de l’homme, qui devraient s’appliquer à tout le monde. Comme le proteste l’un des avocats d’Öcalan, Cengiz Yürekli, “Tout le monde parle de démocratie et de droit. De quelle loi parle-t-on dans une situation où l’isolement et la torture se poursuivent ? C’est le gouvernement qui s’en charge. Alors, quelles sont leurs promesses concernant Imrali ? Que disent-ils de cette situation de torture, qui va totalement à l’encontre des lois nationales et internationales et qui se déroule sous les yeux de la société ? Tout le monde devrait le dire clairement. Le système d’isolement d’Imrali sera-t-il maintenu après les élections ? Cependant, la principale alliance de l’opposition, l’Alliance de la Nation autour du Parti républicain du peuple, n’a pas grand-chose à dire sur la manière dont elle va dépolitiser le système judiciaire en général et choisit de ne même pas aborder la question kurde.
Lorsque les représentants officiels se taisent, c’est au peuple qu’il revient de faire valoir sa demande de changement et de veiller à ce que sa voix ne soit pas ignorée. L’anniversaire d’Öcalan sera marqué par des appels à la solidarité et à la résistance partout où il y a des Kurdes et, de plus en plus, par des sympathisants internationaux pour qui il représente l’espoir d’un avenir meilleur.