L’ISOLEMENT D’ÖCALAN – UNE LOI QUI LUI EST SPECIFIQUE

Hier, l’un des avocats d’Abdullah Öcalan était à Strasbourg et j’en ai profité pour lui demander ce qu’il y avait de nouveau depuis notre dernière conversation. La réponse a été claire : très peu de choses. Les avocats ont parlé avec le Comité pour la prévention de la torture (CPT), dont la délégation a visité la prison d’İmralı en septembre, mais le CPT ne veut ni confirmer ni démentir la rumeur selon laquelle il n’a jamais rencontré Öcalan. Ils ne donneront pas même d’informations sur sa santé et son bien-être.

Mais Ibrahim Bilmez a pu m’expliquer les jeux juridiques qui sont employés pour priver Öcalan de tout contact avec le monde extérieur – ou plutôt me les décrire, car ils sont dépourvus de toute explication rationnelle.

Contrairement à toutes les lois sur les droits de l’Homme, Öcalan se voit refuser toute visite et tout contact. Il se voit refuser les visites de sa famille et de ses avocats, mais les règles juridiques illégales appliquées sont différentes pour chaque cas.

L’excuse donnée pour refuser les visites de sa famille est qu’il a été condamné à des sanctions disciplinaires. Chacune de ces sanctions dure trois mois, et dès qu’elle est terminée, il en reçoit une nouvelle. Ces sanctions sont prononcées par la prison et les avocats d’Öcalan n’en sont jamais informés.

Les visites des avocats d’Öcalan sont interdites par le tribunal de Bursa, le tribunal de la région où se trouve la prison. L’interdiction est renouvelée tous les six mois, sans qu’aucune raison ne soit donnée. Les avocats d’Öcalan n’ont vu qu’une seule fois un dossier présenté par le tribunal pour justifier sa décision, et c’était il y a quatre ou cinq ans. À l’époque, le tribunal de Bursa a prétendu que son interdiction était fondée sur une peine de confinement cellulaire infligée à Öcalan par le personnel pénitentiaire de nombreuses années auparavant. Les raisons invoquées pour cette sanction étaient qu’Öcalan avait décrit l’éducation dans la langue maternelle kurde comme un droit de l’Homme et qu’il avait produit une feuille de route pour la paix, bien qu’elle ait été rédigée avec la connaissance – voire l’encouragement – de l’État.

Le tribunal de Bursa ne suit même pas les lois de la Turquie. Selon une loi turque adoptée il y a quelques années, les avocats ne peuvent être interdits de voir leurs clients emprisonnés que si le personnel pénitentiaire signale que des activités criminelles ont eu lieu lors de leurs rencontres, et que cela a été confirmé par un tribunal. Rien de tout cela ne s’est produit et, de toute façon, cela n’empêcherait pas un prisonnier de voir un autre avocat.

Toutes ces pratiques d’isolement ont été portées devant la Cour européenne des droits de l’Homme dans une affaire qui a débuté en 2011. La cour n’a pas encore rendu son jugement. Les avocats espèrent qu’une décision sera bientôt prise, mais ils savent aussi que, bien que les arrêts de la Cour soient contraignants, la Turquie les ignore.

En décrivant la situation, Bilmez a rappelé la propre observation d’Öcalan selon laquelle la conspiration internationale qui l’a capturé il y a près de 24 ans l’a mis dans un cercueil vivant.

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